Republicamos este post del blog del Prof. Alain Contat, a quien consideramos uno de los más profundos conocedores de Santo Tomás de nuestros tiempos, asimismo experto en las obras de E. Gilson y C. Fabro.
(http://participans.blogspot.it/2011/01/lhermeneutique-de-vatican-ii-et-la.html)
(Para quienes lo deseen, pueden ver la conferencia en español del P. Gonzalo Ruiz sobre la Correcta Interpretación Del Concilio Vaticano II según la doctrina de la participación)
L’herméneutique de Vatican II et la métaphysique de la participation, I
Participatio : ce bloc-notes a pour titre et pour dessein la notion de participation, dont nous essayons d’explorer les implications dans tous les domaines de la connaissance, d’abord en son lieu propre, qui est la métaphysique thomasienne de l’esse, et aussi, comme nous l’avons fait ces derniers temps, en esthétique. Or il va de soi que cette même notion possède une valeur architectonique en théologie. En ce premier jour de la nouvelle année, nous voudrions proposer à nos lecteurs le thème de la participation dans les documents de Vatican II, et attirer leur attention sur l’importance qu’il pourrait avoir pour « l’herméneutique de la réforme, du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Église », souhaitée par Benoît XVI dans son célèbre discours à la Curie du 22 décembre 2005. La notion de participation nous semble aussi présente, et centrale, dans les textes, qu’absente de bien des réflexions sur le Concile, et notamment chez les fauteurs des différentes « herméneutiques de la discontinuité et de la rupture ». Commençons, aujourd’hui, par un bref inventaire de quelques textes.
La constitution dogmatique Lumen Gentium s’ouvre sur le rappel de l’origine trinitaire du mystère de l’Église : « Ainsi l’Église universelle apparaît-elle comme “ un peuple rassemblé dans l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint[1] ”». Or le rôle qui revient par appropriation à chacune des Personnes divines dans l’appel qui institue, de génération en génération, l’Église, est exprimé en termes de participation. C’est explicite pour le Père :
Par une disposition tout à fait libre et mystérieuse de sa sagesse et de sa bonté, le Père éternel a créé l’univers. Il a voulu élever les hommes jusqu’à la participation à la vie divine (ad participandam vitam divinam). Et une fois qu’ils eurent péché en Adam, il ne les abandonna pas ; sans cesse il leur offrit des secours pour leur salut en considération du Christ rédempteur, “ qui est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature ” (Col. 1, 15)[2].
En ce qui concerne la mission du Verbe Incarné, la notion de filiation adoptive, qui lui est liée, contient évidemment celle de participation :
Le Fils est donc venu, envoyé par le Père qui nous a choisis en lui dès avant la création du monde et nous a prédestinés à être ses enfants adoptifs, parce qu’il lui a plu tout réunir en lui (cf. Eph. 1, 4-5 et 10)[3].
Dans cette lumière, les termes de « sanctifier » et de donner « accès au Père », qui sont attribués à l’Esprit-Saint, ne sauraient se comprendre autrement que comme un « rendre participant à la sainteté divine » et un « avoir part au Père » :
Une fois accomplie l’œuvre que le Père avait donné à faire au Fils sur la terre (cf. Jn 17, 4), l’Esprit-Saint fut envoyé le jour de la Pentecôte, afin de sanctifier l’Église en permanence et qu’ainsi les croyants aient par le Christ, en un seul Esprit, accès auprès du Père (cf. Eph. 2, 18)[4].
L’autre constitution dogmatique, dédiée à la Révélation, commence de manière très proche, et ne manque pas de citer la deuxième épître de saint Pierre qui évoque notre participation à la nature divine :
Il a plu à Dieu, dans sa bonté et sa sagesse, de se révéler lui-même et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Eph. 1, 9) : par le Christ, Verbe fait chair, les hommes ont, dans le Saint-Esprit, accès auprès du Père, et deviennent participants de la nature divine (divinae naturae consortes efficiuntur, cf. Eph. 2, 18 ; II Pet. 1, 4). Ainsi par cette révélation, provenant de l’immensité de sa charité, Dieu, qui est invisible (cf. Cf. Col. 1, 15 ; I Tim. 1, 17), s’adresse aux hommes comme à des amis (cf. Ex. 33, 11 ; Jn 15, 14-15), et converse avec eux (cf. Bar. 3, 38) pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion (cum eis conversatur, ut eos ad societatem Secum invitet in eamque suscipiat)[5].
En bref, le mystère de l’Église, c’est celui de la participation à la plénitude qui est dans le Verbe, et « dont nous avons tous reçu » (Jn 1, 16). On ne saurait insister suffisamment sur cette dépendance constitutive du mystère de l’Église par rapport à celui de la vie trinitaire, qui nous est communiquée et révélée en Jésus-Christ. Le fait que le Concile place ce rapport de participation en tête de ses deux constitutions dogmatiques aurait dû, et doit toujours conduire à situer l’ensemble des textes conciliaires dans cette perspective. La continuité nécessaire dans l’herméneutique des textes apparaît ainsi comme la continuité entre les missions du Fils et de l’Esprit-Saint d’une part, et la tâche de l’Église d’autre part.
Après un exposé préliminaire, le chapitre premier de la constitution pastorale Gaudium et spes décrit la « dignité de la personne humaine », qui a vocation à être ou à devenir membre de l’Église et qui est le destinataire de la Révélation divine. Le texte conciliaire souligne la transcendance de l’homme par rapport aux réalités physiques, sous les deux dimensions de la connaissance et de la liberté :
Participant à la lumière de l’intelligence divine, l’homme a raison de penser que, par sa propre intelligence, il dépasse l’univers des choses. […] Car l’intelligence ne se borne pas aux seuls phénomènes ; elle est capable d’atteindre, avec une authentique certitude, la réalité intelligible, en dépit de la part d’obscurité et de faiblesse que laisse en elle le péché[6].
Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : “ Fais ceci, évite cela ”. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera (Rm 2, 14-16)[7] .
Le sujet qui est appelé à participer à la vie divine y est donc prédisposé parce qu’il est une personne – qu’un thomiste définit comme distinctum subsistens in natura intellectuali[8] -, qui participe déjà par nature à l’intelligence divine et à une loi qui ne vient pas de lui. Il faut souligner ici la verticalité de l’esprit humain, dont la lumière intellectuelle provient de Dieu, et dont la conscience morale est normée par ce même Dieu. Seul parmi les créatures visibles, l’homme est ainsi constitué imago Dei :
La Bible en effet enseigne que l’homme a été créé “ à l’image de Dieu ”, capable de connaître et d’aimer son Créateur, qu’il a été constitué Seigneur de toutes les créatures terrestres (Cf. Gen. 1, 26 ; Sag. 2, 23) pour les dominer et pour s’en servir, en glorifiant Dieu (Cf. Eccli. 17, 3-10)[9]
C’est donc parce que la nature humaine participe à la spiritualité divine que la Trinité a pu l’inviter à participer à sa vie intime. Nous sommes ainsi des participants appelés à une participation supérieure et définitive, qui comblera toutes les attentes de notre nature :
la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine[10].
De cette anthropologie fondée sur la participation, le Concile tire uneconséquence qui a suscité beaucoup de remous, celle du « droit à la liberté religieuse », qui est devenu la pierre angulaire de la doctrine catholique sur le rapport entre les religions et l’État. Dans l’optique qui est ici la nôtre, nous voudrions mettre avant tout en évidence le lien entre ce droit et la participation naturelle de l’homme à la loi divine :
Tout ceci [c’est-à-dire le droit à la liberté religieuse et son fondement] est plus clairement manifeste encore à qui prend considération que la norme objective de la vie humaine est la loi divine elle-même, éternelle, objective et universelle par laquelle Dieu, dans son dessein de sagesse et d’amour, règle, dirige et gouverne le monde entier et dispose les voies de la communauté humaine. De cette loi qui est sienne, Dieu rend l’homme participant de telle sorte que par une heureuse disposition de la providence divine, celu-ci puisse toujours davantage accéder à l’immuable vérité. C’est pourquoi chacun a le devoir, et par conséquent le droit, de chercher la vérité en matière religieuse afin de se former prudemment, un jugement de conscience droit et vrai, en employant les moyens appropriés. […] En outre, par nature, les actes religieux par lesquels, en privé ou publiquement, l’homme s’ordonne à Dieu en vertu d’une décision personnelle, transcendent l’ordre terrestre et temporel des choses[11].
La transcendance de l’esprit par rapport aux réalités physiques fonde ici la transcendance des actes religieux, immanents à la conscience aussi bien qu’extériorisés, par rapport au domaine d’action de l’État, qui concerne le bien commun temporel, mais non pas les destinées éternelles de la personne.
Résumons les deux acquis fondamentaux de ce premier sondage dans les documents conciliaires.
- L’homme y apparaît comme la créature visible de Dieu qui transcende ce que les Anciens appelaient la fÚsij, parce que, par nature déjà, son intelligence participe à la lumière divine, et sa conscience, c’est-à-dire son intellect en tant que pratique, à la loi divine. Cette participation première le situe, en matière religieuse, au-dessus de l’autorité de l’État, et surtout le constitue imago Dei.
- Mais l’homme a été créé, dans le dessein du Père, pour une participation plus profonde, dont le terme participé n’est autre que la vie trinitaire elle-même, et c’est en cela que consiste la bonne nouvelle que le Christ annonce et qu’Il est.
Voici donc établis le participant premier, l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et le participé ultime, ce même Dieu Trinité vu par l’homme au ciel, dans le face à face de la vision béatifiante. Entre les deux, il y a l’Ecclesia peregrinans, dont nous traiterons une prochaine fois.
[1] Lumen Gentium [= LG] n. 4, citant saint Cyprien.
[2] LG, n. 2. C’est nous qui soulignons.
[3] LG, n. 3.
[4] LG, n. 4.
[5] Dei Verbum (= DV), n. 2.
[6] Gaudium et spes (= GS), n. 15, § 1.
[7] GS, n. 16.
[8] Scriptum super libros Sententiarum I, dist. 23, art. 4, c.
[9] GS, n. 12, § 3.
[10] GS, n. 22, § 5.
[11] Dignitatis humanae [= DH], n. 3.
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